Quatrième artiste en résidence à embarquer, Noémie Sauve sera à bord de Tara du 9 août au 22 septembre 2017 entre Auckland et Nouméa. Entre ouragan artistique et foisonnement d’idées, rencontre avec une artiste engagée, autodidacte, véritable chercheuse.
POURQUOI AVOIR CHOISI DE POSTULER POUR UNE RÉSIDENCE SUR TARA ?
C’était dans la logique de mon travail artistique. Quand j’ai vu l’annonce sur internet via COAL, j’ai été très inspirée par la résidence sachant que Tara a des missions qui m’intéressent et que je soutiens, différemment, parce que je travaille généralement sur la terre, l’élevage, les graines paysannes… C’était donc l’occasion pour moi d’aller sur l’eau !
COMMENT EST-CE QUE VOUS IMAGINEZ VOTRE SÉJOUR À BORD ?
Ça me plaît de ne rien imaginer. J’imagine juste que ça va être chouette ! Par contre, même si je ne m’imagine rien, c’est vrai que je me prépare. J’ai passé le niveau 1 de plongée, je suis allée tester des lumières à l’Aquarium de Paris, je me suis renseignée sur les fluorescences, beaucoup de gens m’ont aidée, notamment sur la documentation… J’embarque donc déjà avec une vraie première documentation sur l’eau, la mer. J’avais quand même un peu travaillé sur certains sujets liés aux océans, notamment sur les zones mortes, mais je ne suis encore jamais allée sur un bateau comme Tara…
© Noémie Sauve
EN TANT QU’ARTISTE, COMMENT VOUS VOUS DÉFINIRIEZ ?
Je crois que même les gens qui travaillent avec moi ont du mal à me définir (rires). Alors, je me définirais par ce que je fais. On va dire que pour ce qui est de la forme, c’est une forme de figuration abîmée et pour ce qui est des techniques, c’est à peu près toutes les techniques.
Pour ce qui est de la sculpture, ça va de la soudure, à la fonte, à la taille de bois, de la pierre, la céramique en cuisson classique ou raku, du moulage au modelage, enfin tout ! J’aime tout faire parce que ça crée des transversalités dans les techniques. Si vous travaillez quelque chose en verre par exemple, ça peut faire naître une idée mécanique pour aller plus loin avec le métal. On peut dire que la technique m’inspire la forme, mais pour aller plus loin, pour se balader dans toutes les techniques. Ensuite il y a le dessin, la peinture, la scène aussi, la mise en scène des sculptures… La dernière mise en scène que j’ai faite, c’était avec des danseuses pour un festival de créations issues du champ hip hop.
Ce qui canalise peut-être un peu tout ça, c’est une observation du vivant et des choses qui m’entourent, de mon environnement, pour en faire des iconographies autour d’une thématique qui est la domestication. La domestication ça peut aller très loin, c’est l’organisation d’un paysage sur un rythme humain par exemple, mais c’est aussi une profonde déformation de l’autonomie du vivant.
Transmission des paysages ou volcan hérissant. © Noémie Sauve
VOUS NOUS AVEZ DONC PARLÉ DE TOUTES LES TECHNIQUES QUE VOUS UTILISIEZ, VOUS PASSEZ DONC DE LA PEINTURE, AU DESSIN, À LA SCULPTURE MAIS AUSSI À LA DISCONOGRAPHIE, QUE L’ON CONNAÎT BEAUCOUP MOINS. POUVEZ-VOUS NOUS EN DIRE UN PEU PLUS SUR CETTE FORME ARTISTIQUE ?
Je travaille sur la mise en scène de mes œuvres plastiques dans l’espace public ou sur scène. En « disconographiant » une pièce, je la sors de l’atelier et j’essaie de l’impliquer dans un territoire, dans la rue par exemple, pour illustrer l’action que suggère cette pièce. C’est comme une boîte que l’on ré-ouvrirait pour re-proposer l’action. Les premières disconographies étaient photographiées, des mises en scène dans différents lieux à Paris.
Je travaille encore sur ma dernière disconographie « Armées », qui a été présentée en carte blanche en mars dernier au Festival « Désolé Maman » programmé par Garde Robe. Je réutilise des sculptures qui sont issues de ma résidence au Musée de la Chasse et de la Nature, que j’avais appelée « Domestication VS pleine lune ». Ce travail s’intéressait à la réappropriation des images du sauvage pour l’illustration des objets ou des armes. J’avais créé une série d’armes, notamment des dagues et des couteaux fluorescents, qui ont donc été mis en scène avec trois danseuses.
Performance disconographique chorégraphiée avec sculptures « Armées » au festival Désolé Maman. © Noémie Sauve
QU’EST-CE QUE VOTRE RÉSIDENCE À BORD DE TARA POURRAIT VOUS APPORTER EN TANT QU’ARTISTE ?
Déjà, c’est quelque chose que je n’aurais pas pu faire sans Tara ! C’est peut-être banal ce que je vais dire mais c’est le rêve de beaucoup d’artistes de partir avec des scientifiques sur un terrain qui est au centre de leur préoccupation, à savoir ici l’écologie, et ce, pour être au cœur d’un langage nouveau, apprendre des choses nouvelles, faire des découvertes, avoir un prétexte pour rencontrer des personnes passionnées et des lieux inaccessibles, c’est quand même extraordinaire!
Je suis sûre que sur le fond, cela va nourrir mon travail et c’est pour ça que je prépare mon atelier intensément et que j’ai développé deux nouvelles techniques inédites. Tout tourne autour de Tara depuis septembre dans ma vie (rires). Je m’y consacre énormément parce que je veux pouvoir tout prendre de ce voyage. Quand je dis tout prendre, c’est aussi tout donner à mon retour. Ce que je cherche, c’est pouvoir communiquer au mieux sur ce que je vais vivre là-bas à travers mes pièces pour porter le projet Tara.
En tant qu’artiste, le positionnement qu’on a dès le départ c’est de soutenir l’action de Tara. On sait que les œuvres vont être produites aussi pour diffuser ce que l’on a appris, ce que l’on voit. Un jury nous a choisi et nous a fait confiance : c’est une grosse mission. Et quel jury! c’est déjà formidable! En tous cas… j’y vais ! (rires)
Propos recueillis par Léa Mignot