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vendredi 3 janvier 2025

RÉSIDENCE DE RECHERCHE ET D'EXPÉRIMENTATION ART & SCIENCE /// LE CREDAC ET LA DAC DE LA VILLE D'IVRY

 

Le duo composé de Noémie Sauve — artiste et professeure — et Meredith Root-Bernstein — écologue, ethnobiologiste et chercheuse CNRS au Muséum national d’histoire naturelle (MNHN) — a été sélectionné pour la session 2024-25 de la résidence de recherche et d’expérimentation du Crédac. Cette session dédiée à la rencontre entre l’art et les sciences, est menée en collaboration avec la Direction des Affaires Culturelles de la Ville d’Ivry.

Noémie Sauve et Meredith Root-Bernstein s’intéressent à l’origine de la vie en adoptant une nouvelle lecture des outils et des protocoles scientifiques habituels (tableau des éléments, distribution hiérarchique des études biologiques, chimiques et physiques, attribution de caractères volontaires des organismes…). Depuis la création de la Terre jusqu’aux observations des milieux qui nous entourent, leur projet intitulé L’activation du monde propose de donner naissance à des visions expérimentales à travers le dessin et la sculpture, en croisant les regards artistique et scientifique. Le projet vise à mettre en lumière le dynamisme, l’instabilité, et les libertés des formes prises par la vie lorsqu’elle s’active, loin des représentations statiques.

Noémie Sauve et Meredith Root-Bernstein mettent en place une circulation des savoirs et des expériences, inspirés de leurs terrains actuels et précédents (biologie des populations et écologie, sciences du végétal, biodiversité des récifs coralliens, influence chimique des
activités volcaniques, géomagnétisme…). Avec la participation de quelques invité·e·s d’horizons très variés, s’intéressant tout particulièrement à ce qui échappe à la classification, elles envisagent de donner forme à un projet qui restitue la complexité du monde et qui ne limite pas l’écologie aux terrains auxquels on l’assigne.

Au fil de nombreuses collaborations avec des scientifiques, Noémie Sauve a pu constater le rôle décisif que joue, pour la méthode scientifique, la séparation entre la matière qui sert de support à une information et la substance qui l’active ; entre la matière et le processus. Son engagement sur les sujets d’écologie globale l’a amenée à s’intéresser aux rapports entre
la conservation et le vivant, entre le capital conservé dans un répertoire, un index, et son activation, sa mise en circulation.

Meredith Root Bernstein s’intéresse à cette même dichotomie, depuis le point de vue situé des disciplines de conservation de la nature, où ces deux dimensions peuvent parfois être présentées comme des antagonistes.

Réunies grâce à leur projet de résidence au sein de l’atelier de recherche du Crédac, elles vont mener un dialogue autour des recherches scientifiques de Meredith Root-Bernstein sur l’évolution, notamment en suivant la piste du ribosome — la molécule qui active l’ADN — et ses implications pour toute les échelles du vivant, jusqu’à l’écologie. Un échange fécond peut alors se développer, marqué par de multiples résonances en matière de méthode, avec un primat accordé à l’observation.



 

édition Tara /// 20 ans FONDATION TARA OCÉAN

 



TARA, LES ARTISTES RÉVÈLENT L’OCÉAN

Publication de la collection CIVIS MARITIMUS / The eyes publishing X Tara

Ce livre, réalisé en collaboration avec la Fondation Tara Océan est une rétrospective des artistes embarqués à bord de la goélette Tara depuis 20 ans. Il s’agit d’une occasion unique de mettre en lumière l’Océan, sa biodiversité encore méconnue, son rôle dans la machine climatique et les pollutions qui l’impactent aujourd’hui, par le prisme de l’art.

Textes : José-Manuel Gonçalvès (Directeur du 104, Paris), Jean de Loisy pour l’entretien avec Agnès Troublé (dite agnès b.) et Etienne Bourgois et Wilfried N’Sondé.

TARA X 104

 


Tara, l’art et la science pour révéler l’Océan

16.11.2024 - 02.03.2025

À travers le regard de plus de 40 artistes, la Fondation Tara Océan et le CENTQUATRE-PARIS explorent les enjeux environnementaux, sociétaux et poétiques liés à l’Océan, au cœur d’une exposition qui dévoile la richesse et la fragilité du plus vaste écosystème sur Terre.

Cette exposition rétrospective des artistes embarqués à bord de la goélette Tara depuis 20 ans est une occasion unique de mettre en lumière l’Océan, sa biodiversité encore méconnue, son rôle dans la machine climatique et les pollutions qui l’impactent aujourd’hui, par le prisme de l’art.

Déclinée autour de quatre grandes thématiques : le vivant, les pollutions, les paysages et le sensible, cette exposition accorde également une place particulière à la découverte des carnets de voyage dans toutes leurs formes, précieux témoignages des expéditions Tara.

L'exposition La Grande expédition invite au voyage et à la prise de conscience en mettant en avant les créations – peintures, sculptures, photographies, installations audiovisuelles et sonores... – réalisées dans le cadre de ces résidences artistiques à bord de la goélette.

© Quentin Chevrier

avec les artistes : François Aurat • Yann Bagot • Antoine Bertin • Samuel Bollendorff • Christian Cailleaux • Lorraine Féline • Benjamin Flao • Nicolas Floc’h • Cécile Fouillade – Siqou • Ellie Ga • Ensaders • Giulia Grossmann • Elsa Guillaume • Mara G. Haseltine • Rémi Hamoir • Pierre Huyghe • Katia Kameli • Irene Kopelman • Manon Lanjouère • Francis Latreille • Yoann Lelong • Ariane Michel • Leslie Moquin • Aurore de la Morinerie • Wilfried N’Sondé • Malik Nejmi • Claire Nicolet • Maki Ohkojima • François Olislæger • Arianna Pace • Renata Padovan • Lola Reboud • Emmanuel Régent • Christian Revest • Sebastião Salgado • Christian Sardet et les Macronautes • Noémie Sauve • Robertina Šebjanic • Carly Steinbrunn • Lara Tabet • Xavier Veilhan • Laure Winants

AUTO-RÉSIDENCE EN ARCHÉOMAGNÉTISME- AVRIL 2024-2026

J'ai découvert l'archéomagnétisme aux Musées du Mans avec lesquels je mène un ARC (Atelier de recherche et création) pour les étudiant•e•s de l'école supérieure d'art et de design TALM Le Mans où j'enseigne le dessin et les matériaux. Cet ARC intitulé MUSE MUSÉE permet en un semestre de découvrir à la fois les collections, leurs enjeux passés et contemporains mais aussi tous les métiers internes et périphériques et les articulations autour des différents projets depuis la maintenance jusqu'aux publics.

C'est une exposition sur les techniques de datation qui avaient été utilisées pour dater l'enceinte Romaine qui me fascina et me fit penser que l'imaginaire convoqué par ces techniques scientifiques de datation avaient un potentiel de mises en rapports écologiques tacites immense.

J'ai ensuite écrit un premier projet plus global qui englobe à la fois les questions autour de la date comme identité, de cristallisation et stabilisation scientifique et aussi de lien entre le geste humain et les plus grandes forces physiques du globe.

J'ai alors contacté Yves Gallet (Equipe de Paléomagnétisme, IPGP Université Paris Cité) et Agnès Genevey (LAMS, Sorbonne Université) afin de leur demander de m'apprendre, me faire partager leurs recherches. Je les remercie pour tout ce qu'ils me permettent de vivre depuis maintenant 10 mois.

En 10 mois j'ai pu suivre leurs manipulations d'échantillons (essentiellement de poterie et de four) en vue de l'amélioration et de la construction des courbes de référence de variation séculaire de la direction (inclinaison, déclinaison) et de l'intensité des informations archéomagnétiques à L'Institut de Physique du Globe de Paris (IPGP) et au Laboratoire d'Archéologie Moléculaire et Structurale (LAMS) mais aussi à l'Observatoire Magnétique National de l'IPGP de Charbon-la-forêt dans la forêt domaniale d'Orléans. 

J'ai pu aussi les suivre sur le terrain en les rejoignant sur des prélèvements de sole de four d'antiquité tardive sur le site exceptionnellement riche de Las Cravieros à Fanjeaux dans l'Aude. J'ai pu découvrir les techniques et les métiers d'archéologie complémentaires à l'élaboration de cette courbe comme la céramologie ou les autres techniques de datation convoquées par les chantiers de l'INRAP dont le 8è séminaire scientifique et technique sur le thème des datation absolues en archéologie se tenait en décembre 2024.

Voici quelques illustrations du chantier en cours sur ce projet à 1/3 du parcours de résidence que je me suis fixé.


















jeudi 20 juin 2024

L'art du paysage - Sophie Pène / AOC /19/06/2024

mercredi 19 juin 2024 

écologie 

L’art du paysage

Sociolinguiste 

Quelle esthétique prend forme à partir de la pensée écologique si présente auprès des jeunes plasticiens et designers ? Noémie Sauve, Suzanne Husky et Thomas Levy-Lasne sont représentatifs de ce courant qui les mène à une profonde réflexion esthétique.

Dans son livre Le Grand Dérangement (2021), Amitav Ghosh se demande pourquoi la littérature actuelle, au regard d’un dérèglement climatique aux manifestations alarmantes et tragiques, ne renouvelle toujours pas les régimes de représentation des événements naturels. Tempêtes, inondations, incendies, sécheresses demeurent un décor des émotions humaines, les reflétant, les amplifiant, les contrariant. Même si des auteurs et autrices, note-t-il, se trouvent par ailleurs engagés dans des luttes climatiques, cela ne touche pas les régimes narratifs de leurs œuvres de fiction. C’est qu’il est difficile de déplacer des mythes.

Pourtant des fictions qui intègreraient le non-humain comme agents du récit, et pas seulement comme arrière-plan romantique, aideraient à reconnaître, à visualiser, à conscientiser, un état du monde apocalyptique. La littérature, selon lui, ne saurait s’interdire plus longtemps de façonner une esthétique imprégnée de la gravité des troubles environnementaux. Qu’en est-il des arts plastiques, quand il s’agit de représenter une nature non anthropocentrée et de donner une place au vivant ?

Pas si facile de parler d’un art écologique

Cette question habite une part de la jeunesse qui opte pour les écoles de création, évitant soigneusement tout contact avec les mondes des ingénieurs. Son choix est marqué par l’intention de ne pas nuire à l’environnement, et de trouver des moyens de parer l’inhabitabilité qui menace. Dans les écoles d’art et de design les « penseurs du vivant » sont la référence qui anime leur création. Ces étudiants dont on déplorait le trop peu de lectures se sont trouvés à l’aise avec Tim Ingold, Donna Haraway, Philippe Descola, Baptiste Morizot, Vinciane Despret, Emanuele Coccia, et tout autant avec Ivan Illich, Victor Papanek et Buckminster Fuller.

Quelle esthétique prend forme à partir de cette pensée si présente auprès des jeunes plasticiens et designers ? Alors qu’on parle beaucoup, y compris dans le discours politique, de « nouveaux récits » capables de donner forme aux transitions, peut-on trouver des types de récit qui iraient dans le sens d’une agentivité de l’art, chez les plasticiens qui ont fait de l’état du vivant leur sujet ?

La dénomination « art écologique » est piégeante, dès lors qu’il s’agirait de nommer une famille d’artistes liés par une thématique militante. Le risque est grand, alors, de faire des artistes des ouvriers de l’alerte, tentation à laquelle ne résiste pas tout à fait la présentation de COALITION, exposition dédiée à « 15 ans d’art écologique » de l’association COAL qui vient de fermer ses portes à la Gaîté Lyrique : « Une nouvelle génération d’artistes, tous issus d’horizons différents, œuvre au service d’un rééquilibrage. Décrire, avertir, agir, (…) pour faire naître des conduites plus vertueuses, de nouvelles alliances entre les différents règnes du vivant, et défendre plus que jamais ce à quoi nous tenons : la liberté et la beauté du monde tel que nous voulons qu’il continue à exister ».

Si cette illusion performative ne peut que décevoir, elle incite à dépasser le regroupement d’artistes liés par la thématique écologique, et à considérer avec attention des pratiques descriptives de plasticiens, dans l’anthropocène, en essayant de distinguer les récits et les formes de performativité qui se dessinent.

Les savoirs environnementaux et les images

Noémie Sauve, Suzanne Husky et Thomas Levy-Lasne sont particulièrement généreux pour documenter et expliquer leur travail, et très présents dans les écoles d’art et de design. Avec l’idée qu’ils sont représentatifs d’engagements écologiques qui les mènent à une profonde réflexion esthétique, il est intéressant d’essayer de dégager les grammaires plastiques très différentes que leur engagement dans leur époque leur fait imaginer. Leurs explications sur leur choix de thèmes, de techniques, leur façon de rendre compte de leur pratique aident à comprendre un pouvoir des œuvres, qui ne vient pas tant de l’alerte environnementale commune que d’une capacité à faire exister durablement pour leurs visiteurs des œuvres marquantes, poétiques et scientifiques, mémorables et mobilisatrices.

Noémie Sauve, après « Admiratio » au Drawing Lab à Paris (hiver 2023-2024), participe actuellement à « Regenerative Future », à la Fondation Thalie de Bruxelles et à « Artistes et Paysans. Battre la campagne », aux Abattoirs de Toulouse. Son travail artistique l’associe à des expéditions scientifiques : la goélette Tara en 2017, lors d’une campagne qui étudiait l’état des récifs coralliens dans le Pacifique, The Possible Island en 2021, à Vulcano, résidence dédiée à la recherche sur les environnements volcaniques. S’immerger dans un milieu naturel, et dans un milieu scientifique, l’oblige à d’intenses apprentissages. Artiste embarquée au milieu de scientifiques de disciplines diverses, et participante à part entière, ce n’est pas toujours facile. Une fois passée leur surprise d’être face à une artiste, elle mène ses propres collectes et noue la discussion. Elle dessine ce qu’elle a vu et ce qu’elle a compris, elle interprète, elle confronte. Elle découvre et fait découvrir des zones d’incertitudes et d’inconnu. Elle prend part à la recherche et aux épreuves physiques de l’expédition, dont elle rapporte un carnet artistique, parallèle aux carnets de laboratoire, et des échantillons de couleurs et de formes.

Sa recherche plastique en atelier s’attache à une triple restitution, celle du réseau d’humains et de non-humains que fabriquent les observations, celle des émotions nées dans l’expérience sensible, celle des processus de vie que les êtres non-humains maintiennent dans les milieux altérés qui les menacent. Façon de capter une vie biochimique dans le plan de la feuille, il lui arrive d’insérer des réactifs chimiques qui corrodent des parties métalliques, ou d’encapsuler dans la cellulose des semences non stérilisées. Le dessin agit. L’influence du volcan sur la biodiversité marine et les pratiques agricoles ont été les recherches de la résidence à Vulcano. Un grand dessin titré « On utlise notre expérience pour comprendre ce qu’on voit, ce qu’on sent » montre la magnifique utilisation d’un panorama de techniques, électrolyse de cuivre, laque d’argent, pastel sec, cristaux de sels marins, oxydation, choisies pour traduire la complexité d’un écosystème. Le dessin devient un « être », selon le mot d’Alfred Gell[1], au sein d’un réseau de savoirs et d’échanges, et qui amène à percevoir des mécaniques implicites, tacites, invisibles.

Dans la suite du prix Drawing Now reçu en 2023, l’exposition de Suzanne Husky, « Le temps profond des rivières », s’est déroulée de janvier à avril 2024 au Drawing Lab, avec Lauranne Germond comme commissaire. Si Suzanne Husky partage avec Noémie Sauve une approche fondée sur l’observation et le dialogue avec les scientifiques, elle a une façon propre d’opérer un décentrement qui fait des castors les acteurs des tableaux, comme ils sont acteurs de la création et du maintien des milieux de vie. Elle raconte leur rôle d’aménageurs inlassables et a contrario, comment l’action humaine entrave et met à bas leurs efforts ancestraux. La représentation idéale qu’elle donne de l’omniprésence des castors restaure l’image de rivières en bonne santé. C’est une démonstration scientifique, mais aussi une forte sollicitation de l’imagination.

Lauranne Germon qualifie de « grand dessein » l’intention de l’artiste, en rappelant une définition de disegno : « Un feu qu’illumine l’entendement, échauffe la volonté, fortifie la mémoire, épure les esprits, pour pénétrer dans l’imagination[2] ». La fresque « Histoire des alliances alterpolitiques avec le peuple castor » est une extraordinaire aquarelle, qui s’inspire du mode narratif de la tapisserie de Bayeux pour installer un monde rendu harmonieux par les castors bâtisseurs, ces excellents mainteneurs des vies de nombres d’espèces, dont l’espèce humaine. Le récit panoramique, l’illustration scientifique, le charme des aquarelles et la poésie enfantine qui s’en dégagent, frappent l’imagination et parviennent à donner l’idée d’un possible monde à l’équilibre.

Après « L’asphyxie » en 2020, Thomas Levy-Lasne, qui revendique un penchant pour le désastre, est revenu au printemps 2024 à la galerie Les filles du calvaire avec « L’impuissance » : « Il sera ici question d’impuissance politique et existentielle ainsi que de peinture, par des expériences limitées. Mais aussi d’une impuissance désirée : moins de puissance dans la dévastation, dans l’accaparement, dans l’emprise, plus de soin, plus de douceur, plus d’attention humble et de dignité au trésor quotidien qu’est le monde des apparences[3] ». Il décrit longuement Au Biodôme[4], tableau emblématique de « la besogne de la représentation », un exercice de dignité, dit-il, dans un temps où peindre peut sembler vain. Pourquoi vouloir pénétrer les « bunkers de conservation » que sont les musées, alors que la dégradation est générale ? Pourquoi travailler quatre ans sur un seul tableau, qui rapportera au peintre au mieux 11 000 € ? Déroulant sobrement les éléments de l’austère fabrique du tableau, Thomas Lévy-Lasne met au jour des points nodaux de son engagement artistique et écologique.

Fidèle à son admiration pour Nicolas Poussin, il attend du tableau qu’il soit une fenêtre ouverte sur le monde, sur une histoire. Ici l’histoire qui donne son sujet au tableau est celle d’une artificialisation d’écosystèmes vivants, reconstitués dans un site de loisir, le Biodôme de Montréal[5]. Une entreprise qui illustre l’étrangeté de notre prétention ambiguë à protéger l’environnement : il s’y presse une foule qu’il compare aux « files d’attente » des tableaux médiévaux d’Apocalypse et de chute aux enfers. L’atmosphère est surchauffée, des papillons morts jonchent le sol, alors qu’à l’extérieur sévit une interminable tempête de neige. Le peintre s’astreint à représenter chaque détail, pour saturer l’image d’une réalité cruelle qui n’exclut pas l’appétit de vie. Il en résulte une image qu’on ne pourra pas ne pas regarder, son animation secrète venant que ce qu’une image banale contient la charge de la catastrophe.

Une esthétique environnementale, pour notre époque

Trois grammaires esthétiques se dégagent, qui renvoient à trois réalités expérientielles, et ont en commun de brouiller les séparations entre le sujet et le traitement plastique. Noémie Sauve donne aux petits êtres invisibles une forme plastique et un être moral sensible, tout en juxtaposant savoirs scientifiques et expérience (l’étonnement et l’émerveillement de l’« Admiratio »). Suzanne Husky parvient à instaurer les castors, comme êtres et espèce, comme héros acteurs de la geste civilisationnelle des rivières, méconnue et fondamentale, que l’on doit aujourd’hui inviter à une alliance refondatrice avec les humains. Thomas Levy-Lasne ne sépare pas la fabrique du tableau de l’image visible. Il s’astreint à une transparence des matériaux, des coûts et volumes, des conditions, des états émotionnels, des dures besognes qui sont la situation d’un peintre vivant à l’époque d’une catastrophe écologique et la représentant.

Ces trois tableaux sont un nexus d’interactions, sociales, scientifiques, inter-spécifiques, économiques, écologiques qui installent la trace d’un « champ esthétique », au sens d’Arnold Berleant[6], un cadre conceptuel qui éclaire les questions que se posent les arts, ici une expérience esthétique déterminée par la crise des milieux de vie. La compacité de leurs œuvres, plus que la thématique écologique en tant que telle, expliquent leur agentivité, c’est-à-dire qu’elles produisent un effet transformateur, un désir de comprendre et d’agir, de réagir en tout cas et laissent une impression durable dans la mémoire, et contribuent à une esthétique environnementale dans l’anthropocène.

Sophie Pène

Sociolinguiste, Professeure émérite à l'Université Paris Cité 

Notes

[1] Alfred Gell, Art and agency: an anthropological theory, Clarendon Press, 1998.

[2] Lauranne Germond, « À dessein », p. 8, in Suzanne Husky : Le temps profond des rivières, Drawing lab, 2024.

[3] Thomas Lévy-Lasne, présentation, Les filles du calvaire.

[4] Au Biodôme, conférence donnée le 16 mas 2023 au Moco, La Panacée.

[5] Le Biodôme de Montréal est présenté ainsi « Été, comme hiver, le Biodôme de Montréal est la sortie familiale idéale ! Avec ses cinq écosystèmes des Amériques sous un même toit, le Biodôme se visite comme une balade en nature. Lieu d’émerveillement, d’apprentissages et d’engagement environnemental pour les petits et les grands, c’est aussi un attrait touristique incontournable à Montréal. »

[6] Arnold Berleant, « What is aesthetic engagement ? ». Contemporary Aesthetics (Journal Archive)11(1), 5, 2013.

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mercredi 10 avril 2024

REGENERATIVE FUTURES Fondation Thalie, Bruxelles

REGENERATIVE FUTURES
Fondation Thalie, Bruxelles

commisariat Nathalie Guiot et Yann Chateigné Tytelman

Vernissage vendredi 12 avril 2024 | Exposition du 13 avril au 28 septembre 2024

avec : Aléa (Miriam Josi & Stella Lee Prowse), Helene Appel, Michel Blazy, Cathryn Boch, Emmanuel Boos Paloma Bosquê, Thierry Boutemy, Claudia Comte, Edith Dekyndt, Latifa Echakhch, Raphaël Emine, Adélaïde Feriot, Sidival Fila, Marie-Ange Guilleminot, Marlene Huissoud, Tony Jouanneau / Atelier Sumbiosis, Jitish Kallat, Ali Kazma, Takehito Koganezawa, Isa Melsheimer, Otobong Nkanga, Junko Oki, Solange Pessoa, Benoît Platéus, Hans Reichel, Tomás Saraceno, Noémie Sauve, Rachel Selekman, Buhlebezwe Siwani, Jenna Sutela, Alina Szapocznikow, Moffat Takadiwa, Philippe Terrier-Hermann, Samuel Tomatis, Natsuko Uchino, Maarten Vanden Eynde.
Commissariat : Yann Chateigné Tytelman et Nathalie Guiot
Scénographie éco-conçue par Bento Architecture, Bruxelles


ci-dessus
"la vie qui se répand sur notre encrage"
électrolyse de cuivre, mine graphite et laque d'argent sur papier
réalisé dans le cadre de la résidence Tara Pacific / Fondation Tara Océan
photo @Katrin Backes

ci-dessus
"l'organisme le plus absorbant de la terre est relatif au modelage du polymèrocène"
électrolyse de cuivre, mine graphite et laque d'argent sur papier
réalisé dans le cadre de la résidence Tara Pacific / Fondation Tara Océan
photo @Katrin Backes

ci-dessus
"il n'y a pas une solution parfaite mais il y a des façons de vivre comme ça et parfois on peut décider de ne pas développer quelque chose parce-que c'est trop à risque, parfois bon on peut faire certaines choses et souvent, tout le monde oublie tout et quand la catastrophe arrive, c'est une catastrophe"
d'après un entretien avec Benjamin Van Wyk de Vries
électrolyse de cuivre, mine graphite et laque d'argent sur papier
réalisé dans le cadre de la résidence Tara Pacific / Fondation Tara Océan
photo @Claire Curt





ci-dessus
"dague droite au museau nacré"
céramique émaillée, cuisson raku
photo @Katrin Backes

ci-dessus
"dague tricéphale"
bronze
réalisé avec le soutien de la fondation François Sommer
photo @Katrin Backes

ci-dessus
"petite marionnette de polype corallien en exosquelette de doigt"
bronze
réalisé dans le cadre de la résidence Tara Pacific / Fondation Tara Océan
photo @Katrin Backes

Exhibition view "Regenerative Futures", Fondation Thalie. © Hugard & Vanoverschelde

Colloque: “Le réenchantement à contretemps ? Irrationalité et postmodernité littéraire” 23 et 24 mai, Université de Montréal

samedi 9 mars 2024

DRAWING NOW /// salon du dessin contemporain /// GALERIE ERIC MOUCHET




Drawing Now Art Fair est la première foire d’art contemporain exclusivement dédiée au dessin en Europe,
créée en 2007.

À l’occasion de sa 17e édition, Drawing Now Art Fair reviendra au Carreau du Temple dans le 3e arrondissement à Paris.

Retrouvez-nous avec Léo Marin, directeur de la galerie Eric Mouchet du jeudi 21 au dimanche 24 mars 2024

General Sector
Booth C3

avec les pièces des artistes Samuel Trenquier et Christine Crozat

LA MORT EN CE JARDIN /// expo-vente au profit de l'association FERTILE



EXPOSITION-VENTE

AVEC

Michel Blazy

Emma Bourgin

Anouck Durand-Gasselin

François Durif

Hubert Humka

Denis Laget

Pauline Lucas

Clara Rivault

Lionel Sabatté

Noémie Sauve

Anna Katharina Scheidegger

Paul Youenn & Eliott Vallin

COMMISSARIAT

Laure Boucomont & Marie Gayet



INFOS PRATIQUES

Du 15 mars au 6 avril 2024

11, rue Pierre Sarrazin, Paris 6

de 13h à 19h du mardi au samedi

Preview sur invitation le 14 mars à 18h

Vernissage le 15 mars à 18h

Finissage le 6 avril à partir de 14h



« C’est pourtant la disparition qui conditionne l’éclat de l’apparition ; et c’est de même l’extinction qui fait clignoter l’étincelle, ou "fulgurer" l’éclair. »

Vladimir Jankélévitch, La Mort

Si c’est par son caractère de nécessité et d’usage que l’écrivain Stefano d’Arrigo parle de la mort, il introduit en creux l’idée de la vie et de la mort indissociablement liées, dans un cycle de transformation et d’interdépendance. Vie, mort, vie, la mort dans la vie et la vie dans la mort, la chose semble acquise, - Ne dit-on pas poussière, tu redeviendras poussière - pourtant nous sommes toujours désemparés face à la disparition de tout être vivant, humain, animal ou végétal, comme si l’esprit ne parvenait pas à faire le lien (trop spirituel ? trop métaphysique ? trop définitif ?) entre les deux états et considérait la mort comme une fin de tout. Pourtant avec la mort, une autre forme de vie émerge. Invisible, souvent silencieuse, s’étirant dans le temps. Le flétrissement, la décomposition, la disparition, sont des processus actifs et créateurs. Les artistes de l’exposition La mort en ce jardin, en explorant la vie et la mort comme un continuum et non comme une rupture, rendent visibles l’irréversible et ses interstices mouvants. Humus, poussières, champignons, fonte des glaces, feuilles flétries ou oiseaux morts, loin d’être des motifs terrifiants, repoussants ou complaisants, viennent nous parler de la mort dans un mouvement de retour sur soi ; dans une intimité fraternelle avec le cycle du vivant.

Laure Boucomont & Marie Gayet

COMMISSAIRES D’EXPOSITION




photos @Sarkis Torossian